La parole à

Travailler dans le tourisme : regards croisés de 4 générations 

Publié le 4 avril 2023 , par Samantha Ambrosioni
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Haucyn est étudiant en Master tourisme. Charlotte démarre sa carrière dans le tourisme tandis qu’Elodie y évolue depuis presque 20 ans. Muriel, quant à elle, s’apprête à prendre officiellement sa retraite après une carrière riche et variée dans le monde touristique. Je suis allée à la rencontre de ces 4 personnes pour les interroger sur leur vision de leur métier, leurs aspirations pour la suite et leur regard sur l’avenir de leur secteur.  Un témoignage à 4 voix qui, même s’il n’a pas la prétention d’incarner les aspirations de chaque génération, est riche d’enseignements.

Qui êtes-vous ?

HAUCYN : Après une licence LLCER Anglais – Allemand, j’ai intégré cette année un MBA International Tourism Manager. J’effectue actuellement une alternance dans l’agence de voyages Tropicalement Vôtre, au sein du service production.

CHARLOTTE :  J’ai 24 ans, j’occupe le poste de Community Manager et Webmaster au sein de l’Office de tourisme de Mond’Arverne depuis un peu plus d’1 an. Je gère en parallèle ma micro-entreprise de Community Manager (CM) que j’ai ouverte juste après la fin de mes études.

ELODIE : Après plusieurs emplois dans le tourisme (dans l’accompagnement, en centrale de réservation, en agence réceptive, en agence de voyages, ….), j’attaque ma 6ème année au sein l’Office de Tourisme de Mond’Arverne en tant qu’animatrice de territoire et référente qualité depuis un an !

MURIEL : à la veille de prendre ma retraite, j’ai eu la chance d’avoir une carrière très diversifiée. J’ai été responsable d’un pôle de distribution d’aide alimentaire au Sénégal, journaliste montagne, directrice marketing et commercial, ou encore directrice d’établissements touristiques. Aujourd’hui (et pour encore quelques jours à la date de cet article), je suis responsable du Pôle en charge d’accompagner les transitions touristiques chez Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme.

Trouvez-vous que votre métier a du sens pour vous ?

CHARLOTTE : Oui, sinon je ne ferais pas ça s’il n’en avait pas ! C’est presque un métier passion. Je suis tout le temps sur les réseaux sociaux, du coup je me suis dit pourquoi ne pas lier le tout en faisant d’un « hobbie » – un métier !

ELODIE : Depuis petite, j’ai voulu travailler dans le tourisme. A travers mes différents métiers, j’ai toujours trouvé du sens et de l’intérêt, même s’ils étaient différents à chaque fois. Je ne sais pas travailler sans ça. Ce qui fait sens aujourd’hui pour moi, c’est la plus-value apportée, notamment avec la mise en réseau des acteurs et l’accompagnement des partenaires (ateliers, éductours). Ce sont aussi les échanges humains et la diversité des acteurs qui sont riches. Un jour on travaille avec une chambre d’hôte, le lendemain avec un restaurateur ou encore un vigneron.

HAUCYN : Oui, je trouve que le monde du tourisme a du sens. On pense et agit de plus en plus aux préoccupations actuelles (écologie, réchauffement climatique, respect des populations…). On ne cherche pas à se concentrer uniquement sur le voyage et l’expérience du visiteur, mais aussi à faire découvrir la façon de vivre des locaux, les traditions locales. C’est vraiment une immersion maintenant !

MURIEL : Mon travail occupe une grande place dans ma vie, car il m’a conduit à m’investir dans des associations (je suis aussi présidente de ISTO Europe, Organisation internationale du tourisme social) que j’ai rencontrées grâce à mon poste actuel. J’ai eu la chance de faire un métier qui a du sens, qui rejoint mes aspirations de citoyenne. Mon métier nourrit mon engagement associatif, mon engagement associatif me nourrit en tant que salariée et apporte à mes missions un regard évolutif. Je m’enrichis des deux.

On constate que les métiers du tourisme font moins rêver qu’avant. Comment les rendre plus attractifs selon vous ?

HAUCYN : Je trouve que les employeurs se focalisent parfois trop sur l’expérience du candidat dans le tourisme, et pas sur les compétences ou sur ce que l’on pourrait apporter de nouveau. Se baser sur la motivation, c’est aussi important (voire plus) que la connaissance du milieu dans le domaine postulé. Quand je rechercherai mon futur job, je regarderai en priorité les missions proposées, mais aussi les valeurs de l’entreprise.

CHARLOTTE : Quand on parle de tourisme avec mes amis, on pense avant tout aux vacances, mais pas aux opportunités professionnelles. En tant que CM dans le tourisme, j’entends beaucoup de clichés sur le fait que ça ne soit pas un vrai métier. Il y a encore beaucoup de préjugés autour des métiers du tourisme, les gens ne voient que le haut de l’iceberg, que la partie « Accueil » alors que les missions sont diverses et variées : communication, commercialisation …. C’est ce que l’on essaye de mettre en avant à travers nos réseaux sociaux pour donner envie aux adultes de demain de travailler dans ce secteur.

ELODIE : Il y a encore de nombreux clichés et de méconnaissance autour des métiers du tourisme. Beaucoup pensent qu’on ne fait rien une partie de l’année, les préjugés sont difficiles à changer. Il y a un gros travail à faire pour changer l’image, le regard des gens sur l’OT et le tourisme de manière générale.

Il est aussi urgent de remettre des paillettes, de donner envie aux jeunes et de reconnecter les programmes des formations tourisme aux réalités du terrain !

Elodie Fex

MURIEL : les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail sont très malmenées par les différentes crises, par le futur pas très réjouissant qu’on leur propose. Dans ce contexte, peut-être que la présentation classique des métiers du tourisme et notamment l’attractivité liée essentiellement aux métiers de la promotion ne suffiront plus pour les convaincre de rejoindre ce secteur. A l’inverse, montrer qu’il œuvre au développement de l’économie locale, à un développement responsable et sociétal, que les premiers bénéficiaires en sont les habitants, va contribuer à redorer le blason des métiers du tourisme et les rendre plus attractifs et passionnants. Et ça ne sera pas uniquement à travers un salaire, une convention collective ou l’intitulé d’un poste, mais bien via le sens du métier et du secteur de manière globale.

La difficulté de notre secteur, c’est aussi de faire évoluer les carrières. Anticiper sur les départs de demain, identifier en amont les talents et les accompagner à devenir les futurs managers, et offrir plus de possibilités d’occuper des postes qui intègrent des grands enjeux sociétaux : climatiques (réchauffement, sècheresse, pollution atmosphérique, etc.) , mobilité (bouchons, sur-fréquentation, transports en communs, aérien, etc.), sociales et sociétales (aménagement du territoire, services maintenus, accessibilité financière des offres touristiques, taux de départ en vacances, etc.).

Comment voyez-vous l’avenir du secteur du tourisme ?

MURIEL : Quand j’ai commencé ma carrière, les visions prospectives étaient à 20 ans. Aujourd’hui, le temps s’est raccourci, 5 ans c’est presque du long terme ! Je suis persuadée que le tourisme doit être positionné au centre de l’écosystème économique, comme porte d’entrée pour valoriser l’attractivité de tout un territoire, et fortement en lien avec les autres secteurs (industrie, recherche, commerce, universitaire…).

Je trouve que le secteur du tourisme est parfois encore trop hors-sol. La question qui me semble fondamentale dans le développement de l’attractivité touristique, c’est celle de la place de l’habitant. On l’intègre mais principalement par le prisme du consommateur, du développement du marché régional. Comment les investissements touristiques servent également le développement et les intérêts des locaux ? Comment travailler un développement touristique en impliquant et en prenant en considération les habitants ? Si on ne travaille pas sur ces questions, on va se retrouver face à des phénomènes plus importants de tourisme bashing, d’oppositions et de frictions entre les corps de métiers.

ELODIE : les Offices de Tourisme doivent évoluer, ils peuvent devenir des comptoirs des loisirs, des tiers-lieux, développer et proposer de nouveaux services (ex : conciergerie). Avant, on parlait de « touristes », maintenant on parle de clientèles. Et elles sont multiples : il y a l’habitant, les visiteurs, les socio-pros, les élus. Tout cela crée de nouvelles attentes et besoins qui nécessiteront réflexion et nouveau positionnement. A l’image de ce que nous avons vécu avec la crise Covid, il y aura forcément d’autres aménagements et stratégies à définir et des défis à relever. Mais c’est aussi ça qui fait la richesse de nos métiers !

CHARLOTTE : Si on veut que l’OT perdure dans le temps, que les jeunes générations prennent l’habitude de s’y rendre, il faut leur donner envie de venir via tous les services proposés. Mettre en avant la plus-value pour tout le monde (habitants, visiteurs, professionnels, apporteurs d’affaires).

Il y a un vrai enjeu de montrer que l’Office de tourisme peut servir quand on est en vacances, mais aussi sur son lieu de résidence principale.

Charlotte Fontaine

HAUCYN : C’est un milieu qui change beaucoup, mais positivement selon moi. Les entreprises et personnes s’éveillent de plus en plus aux problématiques actuelles et de demain (climatiques, respect des populations, gaspillage alimentaire…). Le monde du tourisme de demain sera plus averti et aura plus d’ouverture d’esprit, de respect et d’actions concrètes de la part des structures touristiques et des voyageurs.

Les nouvelles générations seraient plus « zappeuses » dans leurs jobs. Une carrière entière dans le tourisme, vous y croyez ?

HAUCYN : Si on se plaît dans son entreprise, si ses missions évoluent au cours de sa carrière, je ne vois pas pourquoi on changerait beaucoup d’entreprises. On parle aujourd’hui beaucoup de reconversion dans le travail. Je trouve que c’est aussi bien de ne pas se cantonner à un métier ou à un secteur, de pouvoir toucher à tout. Pour moi, tant qu’on arrive à trouver sa voie dans laquelle on s’épanouit le plus, c’est l’essentiel. Je ne vois donc pas ça d’un œil négatif d’avoir « la bougeotte ».

CHARLOTTE : Je ne sais pas si je serais prête à rester 3, 5 ou 10 ans dans la même entreprise. J’aspire aussi à vivre de mon entreprise un jour. Pour le moment, ça me convient très bien. Et je sais que mon métier est amené à évoluer au fil des années, en fonction des nouveaux réseaux sociaux, des nouvelles tendances. Ce sont aussi les évolutions de postes, de mes missions en interne qui peuvent jouer dans mes choix professionnels.

ELODIE : Les métiers du tourisme sont très transversaux, personne n’est enfermé dans des cases ! Personnellement, je suis toujours en recherche de compétences, j’aime me former, faire de la veille. Cela me donne plein de pistes, des idées et de nouvelles envies. Je ne vois pas ma carrière sans me former, développer mes compétences. Il est essentiel de garder l’œil ouvert 😊

MURIEL : J’ai eu la chance de vivre plusieurs métiers, de rencontrer des équipes diversifiées et d’une grande richesse. Je n’ai jamais eu le sentiment de me scléroser dans un job, tout au long de ma carrière. Je pense que ma richesse vient de cette diversité. Mais même si l’on reste 30 ans au même endroit, mon conseil c’est :

Emparez-vous des sujets, formez-vous, faites évoluer vos postes ! Soyez force de proposition. A partir d’une stratégie et d’une vision donnée, notre boulot est de les transformer, de leur donner une vision opérationnelle, de les incarner. Le secteur du tourisme est d’une telle richesse qu’il nous offre de belles opportunités d’évolutions !

Muriel Antoniotti

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