Dossier du mois

S’engager dans une démarche de tourisme accessible, un enjeu d’hospitalité

Prendre en compte le handicap sous toutes ses formes pour mieux accueillir tous ses visiteurs
Publié le 11 mai 2022 , par Mariek Verhoeven
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La loi du 11 février 2005, portant sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (article 114) donne la définition suivante du handicap : « Constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » Aujourd’hui en France, 12 millions de personnes sont touchées par un handicap (source : OCIRP Les chiffres clés du handicap en France).

Depuis cette fameuse loi du 11 février 2005, tous les Établissements Recevant du Public (ERP) devaient être rendus accessibles aux personnes handicapées et à mobilité réduite avant le 1er janvier 2015, et ce quelle que soit l’année de construction. Ces établissements doivent permettre à tout le monde, sans distinction, de pouvoir y accéder, y circuler et recevoir les informations diffusées.

Au-delà des questions d’accessibilité, le handicap constitue un facteur d’exclusion sociale majeur, lorsqu’on ne peut pas agir comme les autres : aller au travail, pratiquer ses loisirs, prendre les transports en commun… et partir en vacances, avec famille et/ou amis, sans que le choix de la destination soit dépendant des services et équipements adaptés.

La marque Tourisme et Handicap

La marque Tourisme et Handicap a pour objectif :

  • d’apporter une information fiable, descriptive et objective de l’accessibilité des sites et des équipements touristiques
  • de développer une offre touristique adaptée et intégrée à l’offre généraliste, à partir d’une démarche de labellisation s’appuyant sur des référentiels spécifiques.

C’est une réponse à la demande des personnes en situation de handicap qui veulent pouvoir choisir leurs vacances et leurs loisirs en y trouvant un accueil adapté. Pour les structures labellisées, la marque Tourisme et Handicap est aussi la reconnaissance du travail réalisé pour proposer un accueil optimal.

Aujourd’hui, près de 4 200 établissements sont porteurs de la marque Tourisme et Handicap en France, dont 395 en Auvergne-Rhône-Alpes. C’est trop peu. Plus de la moitié sont des hébergements, 14% des offices de tourisme et autres structures d’information touristique, 12% des offres de loisirs, 14% des lieux de visites et 5% des restaurants (Source : chiffres clé de la marque Tourisme & Handicap).

Comment se lancer dans une démarche d’adaptation de ses services et de structuration de l’offre de son territoire ?

Pour répondre à cette question, nous avons interrogé Cécile Cordat, de l’office de tourisme intercommunal des Monts du Lyonnais, et Jérôme Fage, du Musée et sites gallo-romains de Saint-Romain-en-Gal, tous deux référents accessibilité de leur établissement, en plus de nombreuses autres missions.

Pourquoi s’engager dans une démarche de tourisme accessible ?

A l’office de tourisme des Monts du Lyonnais, la volonté est d’accueillir tout type de public. Le premier bureau d’information, à l’époque l’office de tourisme de Saint-Martin-en-Haut, a été marqué Tourisme et Handicap en 2013. Depuis la loi Notre en 2017, l’office de tourisme a beaucoup évolué et aujourd’hui, l’office de tourisme gère cinq bureaux d’information, dont deux sont marqués Tourisme et Handicap. L’objectif est de poursuivre la démarche en étendant la marque aux autres bureaux. Le bureau de Mornant n’attend plus que la livraison d’une boucle magnétique pour passer l’audit, tandis que le futur bureau de Chaponost qui sera livré en 2023 est conçu pour être aux normes et proposer les services adaptés.

Le musée et sites gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, créé en 1996 et géré par le Département du Rhône, a la spécificité d’avoir en son sein un site de fouille archéologique visitable et actif. Lors de sa création, le bâtiment a été conçu en intégrant des principes d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite : toilettes, monte-charge, seuils, parkings, mais sans réflexion particulière sur les autres handicaps. Au début des années 2000, un partenariat avec l’hôpital de Vienne amène à reconsidérer la médiation auprès de certains publics. Jérôme Fage s’empare de ce projet et expérimente de nouvelles approches, adaptées à un public “différent”. La loi handicap de 2005 invite le musée à poursuivre sa démarche. A l’époque, les ressources de Jérôme sont principalement basées sur des échanges avec les accompagnants de groupes de personnes handicapées : scolaires non-voyants, IME, traumatisés crâniens… Ces rencontres invitent Jérôme à s’interroger sur sa perception du handicap et sur sa pratique professionnelle. En tant que médiateur culturel, comment faire évoluer son approche de la transmission pour en faire bénéficier tous les publics ?

Cécile et Jérôme ont tous les deux une sensibilité personnelle forte par rapport à la problématique de l’accessibilité et du handicap et ont beaucoup œuvré pour stimuler et accompagner la mise en œuvre des projets et fédérer les équipes autour de cette thématique.

Proposer une offre accessible, qu’est-ce que ça implique ?

Mise aux normes de l’accessibilité, aménagement des espaces, formation du personnel, conception d’une offre de service sont les principaux postes à prévoir. Avec en plus pour les offices de tourisme un enjeu majeur sur le recensement des offres accessibles sur le territoire et la sensibilisation des acteurs.

Les travaux d’accessibilité des bâtiments sont généralement financés par les collectivités, propriétaires des locaux. C’est le cas pour les bureaux d’information de l’office de tourisme des Monts du Lyonnais, ainsi que pour le musée départemental de Saint-Romain en Gal.

Si l’accessibilité des bâtiments aux personnes à mobilité réduite a largement été prise en compte dans les établissements recevant du public depuis la loi de 2005, une offre qualitative pour les autres handicaps peine à émerger.

En vue d’une démarche de labellisation Tourisme et Handicap, plusieurs enjeux se sont posés au musée : des problématiques de médiation culturelle, qui ont pu être répondues par l’achat d’audioguides, de boucles magnétiques, de création de maquettes et bas-relief pour une approche tactile… La médiation avait déjà été pensée lors de la création du musée, avec des ateliers de mise en situation et une approche très tactile. Les ateliers ont pu être adaptés pour être accessibles à tout public. Les publics handicapés utilisent les mêmes dispositifs que les valides, ce qui est très valorisant. De la même manière, le musée a fait développer une maquette à la fois tactile et belle, afin qu’elle soit utile à tous les publics.

Une autre difficulté a été la mise en accessibilité du site de fouilles, pour tout type de handicap. Pour cela, le musée s’est fait accompagner en 2008 par un cabinet spécialisé dans l’accessibilité de sites culturels. Différents dispositifs ont été mis en œuvre et les préconisations continuent d’être utilisées pour les aménagements actuels.

Par ailleurs, le musée accueille régulièrement des expositions temporaires, qui doivent elles aussi être accessibles. Cette temporalité invite à l’expérimentation de nouvelles pratiques d’aménagement et de méditation qui enrichissent la réflexion globale du musée.

Le musée et sites gallo-romains de Saint-Romain-en-Gal a été labellisé Tourisme et handicap en 2020. Pour Jérôme, il était nécessaire d’attendre que la démarche soit bien intégrée en interne avant de revendiquer cette reconnaissance. Le label est une reconnaissance publique du travail mené et une reconnaissance pour les publics, gage de réassurance.

Une information fiable sur l’offre accessible

Un des critères de la marque Tourisme et Handicap est de fournir une information fiable et à jour sur tout type de prestations adaptées.

Pour le territoire des Monts du Lyonnais, Cécile a entamé un travail de fourmis pour recenser l’existant. Restaurants, hébergements, musées, prestataires d’activité, mais aussi les équipements non spécifiquement touristiques : commerces, toilettes, parkings, piscines, bibliothèques, sentiers… l’objectif est d’identifier les possibilités d’accueil et d’activité. Pour cela, Cécile a envoyé un questionnaire détaillé à tous les prestataires, basé sur les critères d’accessibilité présents dans le système d’information Apidae, pour connaître leur propre estimation de leur accessibilité et leur éventuelle volonté d’engagement dans une démarche de labellisation.

Aujourd’hui, le territoire des Monts du Lyonnais dispose d’un hébergement marqué Tourisme et Handicap, et de deux bureaux d’accueil. Outre l’accès à l’information, l’office de tourisme propose également des visites guidées accessibles, avec l’utilisation d’une boucle magnétique pour les personnes malentendantes, ou de chaises cannes pour les personnes mal marchantes. L’office de tourisme référence par ailleurs un certain nombre de prestataires, d’établissements et d’activités qui proposent des aménagements. Ces offres sont détaillées sur la page “Tourisme accessible” du site Internet de l’office de tourisme Des documents de présentation sont également proposés, en format Word pour pouvoir être agrandis ou lus par des logiciels de synthèse vocale.

L’office de tourisme des Monts du Lyonnais envisage à terme de développer une communication spécifique sur cette offre, notamment en se faisant connaître auprès d’associations et d’établissements spécialisés. Avec accompagnement, ou en autonomie, les personnes en situation de handicap ont peu d’offres à disposition et sont en demande de pouvoir pratiquer des loisirs dans un cadre adapté et rassurant.

Du côté du musée gallo-romain, le travail se poursuit avec un gros projet de réaménagement du site et du musée, l’occasion de réorganiser les collections pour proposer de la nouveauté et intégrer de nouvelles collections suite à deux campagnes de fouilles. Gageons que le musée intégrera les enjeux de l’accessibilité dans ces aménagements.

Des compétences au bénéfice de tous les publics

Jérôme a fait son apprentissage sur le terrain, en contact avec des responsables de groupes de handicapés, comme on l’a vu, puis en se rendant dans des colloques traitant du sujet. Il s’est ensuite fait accompagner par la MITRA, le service ingénierie de Rhône-Alpes Tourisme, avec qui il a participé à la rédaction d’un guide à destination des musées. Il a également participé à la création d’un groupe de réflexion avec d’autres musées de la région lyonnaise dans le but d’échanger expériences et bonnes pratiques.

Outre les référents accessibilité, les personnels en contact avec le public ont tous suivi une formation à l’accueil des publics en situation de handicap. Les personnels d’accueil, les médiateurs culturels, mais aussi les personnels de sécurité du musée. Les objectifs de ces formations :

  • savoir repérer les personnes en situation de handicap et leurs besoins,
  • acquérir les bonnes pratiques pour organiser les espaces et l’accueil,
  • rendre accessible son offre de service,
  • améliorer son contact humain : lever les freins, les tabous et les idées reçues, faire évoluer son regard.

Cécile est également formée pour être évaluatrice Tourisme et Handicap, et a prévu de suivre une formation pour apprendre à rédiger en ”Facile À Lire et à Comprendre”, un ensemble de règles pour rendre l’information accessible aux personnes en situation de handicap mental, d’illettrisme, ou encore les étrangers.

👁️ Le conseil de Cécile ? Penser l’accessibilité de la manière la plus large possible : poussettes, personnes mal marchantes, vue et audition qui baissent avec l’âge sont des contraintes et handicaps fréquents dans notre société. Comment accueillir correctement ces publics ? L’approche de l’accueil par le prisme du handicap permet d’observer les situations avec un autre œil. Les demandes ou attitudes étonnantes reçues à l’accueil par exemple, ou encore certains publics au comportement étrange lors de visites guidées. Le handicap n’est pas forcément perceptible au premier abord. Se former à l’accueil de ces publics permet de faire évoluer la représentation du handicap, savoir s’adapter et adopter le bon comportement avec tout type de public.

👁️ Le conseil de Jérôme ?  Les solutions de mise en accessibilité évoluent régulièrement, il ne faut pas se précipiter sur telle ou telle solution, mais prendre le temps de tester, d’expérimenter. De nombreuses solutions numériques ont vu le jour, mais ce ne sont pas toujours des solutions miracle. Il faut dans la mesure du possible trouver des réponses inclusives, universelles, adaptées au public valide et en situation de handicap. La démarche de mise en accessibilité est une démarche de progrès, en constante évolution. Il faut également penser la visite dans son ensemble, avoir une réflexion sur le parcours du visiteur depuis sa prise d’information, son besoin de réassurance, à sa visite. Le musée a développé quatre pages sur son site internet, une par type de handicap, pour informer spécifiquement sur les offres adaptées.

Cécile, comme Jérôme, sont référents accessibilité en plus de leurs autres missions. Ils regrettent le manque de temps disponible pour mener à bien les différents projets liés à l’accueil des publics en situation de handicap, il y a encore tellement à faire…

💡Le point de vue de l’expert : Caroline Jules, experte en accessibilité et médiation culturelle chez Culture accessible “Accueillir les publics handicapés dans des offices de tourisme nécessite une bonne accessibilité de l’office. Cependant, une connaissance fiable des offres de son territoire est également indispensable. Par exemple, un conseiller en séjour doit proposer des activités et des lieux accessibles aux personnes déficientes visuelles. Il doit donc savoir s’il y a des choses à toucher dans les musées de son territoire, où sont proposées des dégustations, si des chemins de randonnée sont adaptés avec parcours géolocalisé, si des restaurants ont des menus en braille… Pour cela, en plus des lieux officiellement marqués “Tourisme et Handicap”, de nombreux OT prennent le temps de faire un repérage fiable. La communication sur place et en ligne est donc une partie importante du travail envers ces clients.”.

Pour être pertinente, il est important qu’une démarche de tourisme accessible soit pensée à l’échelle d’un territoire ou d’une destination touristique dans l’objectif de proposer une offre cohérente de prestations, permettant un séjour complet et adapté. La marque “Destination pour tous”, créée en 2013, ou H+Destination Tourisme  lancée par la Région Auvergne-Rhône-Alpes en 2020, ont l’ambition de valoriser une destination touristique accessible, permettant un séjour inclusif pour tous, habitants du territoire comme visiteurs extérieurs.

Formations sur le sujet

Marque Tourisme & Handicap : formation des personnels d’accueil
Tarif
600,00 € HT
Durée
2 jours / 14 heures
Date et lieu
12 au 13 novembre 2024, Chambéry
Créer et animer des visites et ateliers pour les personnes en situation de handicap
Tarif
600,00 € HT
Durée
2 jours / 14 heures
Date et lieu
Pas de session proposée pour le moment
Musées et sites touristiques : savoir accueillir les publics en situation de handicap
Tarif
580,00 € HT
Durée
2 jours / 14 heures
Date et lieu
Pas de session proposée pour le moment

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